Free, Orange, SFR… contre le blocage des sites de jeux sans licence
Le 29/07/2010
Ils sont 7 fournisseurs d’accès internet à avoir été entendus, hier, devant le TGI de Paris. L’ARJEL leur demande de bloquer les sites jugés illégaux, qui n’ont donc pas de licence. Mais ils ne comptent pas se laisser faire.
Les raisons de la colère
Avec l’ouverture du marché des jeux en ligne se repose la question du filtrage des sites illégaux par les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI). Hier, les principaux (Orange, SFR, Bouygues Télécom, Free, Numéricable, Auchan Télécom et Darty) ont du comparaître devant le Tribunal de grande instance de Paris. Ils sont venus défendre leur position face à l’assignation de l’ARJEL. L’Autorité exige que les FAI bloquent l’accès aux internautes de 3 sites non agréés : Betfred, StanJames et Stryyke. Les FAI ont protesté d’une seule voix contre cette mesure. Tout en précisant comme Numéricable « ne pas vouloir se dérober à la loi », ni « faire de la résistance » chez Bouygues Télécom.
Les FAI reproche à l’ARJEL de les avoir assignés devant les tribunaux au lieu des sites illégaux eux-mêmes. Si elle paraît illogique, cette mesure est expressément prévue par la loi du 12 mai 2010. Afin d’éviter des poursuites judiciaires hasardeuses à l'étranger, la loi autorise l'ARJEL à faire appel aux FAI sans avoir préalablement à assigner l'opérateur illégal. Par ailleurs, Betfred, Stan James et Stryyke ont fait la sourde oreille face aux mises en demeures de l’Autorité. Seul Stryyke a envoyé un avocat à l’audience qui assure que l’opérateur a enfin bloqué l’accès au site aux internautes français.
Le filtrage serait inefficace et dangereux selon eux
Les FAI remettent la culpabilité sur l’ARJEL, ils estiment que l’Autorité rejette le problème sur eux au lieu d’appliquer les sanctions adéquates. « On ne peut prendre de sanctions aussi lourdes sans avoir connaissance des observations éventuelles du site », a plaidé l'avocat de France Télécom. Le conseiller d’SFR va même plus loin : « les sites sont dans les pays de l'Union européenne, ou dans des pays qui ont des conventions avec l'Union. Les décisions de justice sont donc très faciles à faire exécuter », a assuré l'avocat en référence aux deux anglais Betfred et StanJames, tous deux hébergés à Gibraltar.
Mais la principale cause de discorde reste la mesure de filtrage. Pour les FAI, l’ARJEL devrait d’abord demander un filtrage auprès de l’hébergeur technique des sites mis en cause, comme le prévoit la loi. Mais comme la plupart des opérateurs sont basés à l’étranger, ils restent difficiles à localiser. Les FAI français s’inspirent de la défense de British Telecom venue à l’audience en tant qu’hébergeur de BetFred. La société britannique dément être l’hébergeur du site illégal. A l’unisson, l’ensemble des FAI plaide qu’un filtrage est « difficile à mettre en œuvre », qu'il « n'est pas efficace », les sites pouvant se déplacer à tout moment en ligne, et qu'il comporte des « risques importants », en matière de ralentissement du réseau ou de blocage de sites tout à fait licites. Avant de conclure sur leur principale ligne de défense : « il ne nous revient pas de surveiller les sites, et ce qu'ils feraient dans l'avenir ».
Le parquet plutôt du côté de l’Autorité des jeux en ligne
Fait assez rare dans les procédures civiles, le gouvernement a donné son point de vue via le ministère public en soutenant l’ARJEL. Le procureur a ainsi rejeté l’ensemble des explications des FAI au profit de cette dernière. « Le président peut désigner l'arrêt de l'accès au site, qui par définition est illicite. Il ne s'agit de pas de faire un coup médiatique. Le législateur a prévu de recourir aux FAI. Je vous demande d'appliquer la loi. Les enjeux publics sont considérables ».
C’est un constat d’échec accablant pour les fournisseurs qui craignent une extension de leurs responsabilités vers d’autres domaines. Ils redoutent que l’obligation de filtrage s’applique par la suite à la musique, les films ou tout autre contenu numérique. C’est déjà le cas en Italie où l'autorité de contrôle des jeux publie régulièrement une liste de sites prohibés sur le territoire, que les FAI sont obligés de bloquer, sous peine d'amende. Le TGI rendra une décision, susceptible d'appel, début août.