«Avant de jouer, se fixer une limite d’argent»

Par Julie CAILLON, psychologue, le 17/01/2012 | 1 commentaire

Soucieux de nous intéresser aux nombreuses facettes du secteur des jeux d’argent en ligne, nous avons interrogé Julie Caillon, psychologue au sein du Centre de référence sur le jeu excessif (CRJE).

KUZEO : « Bonjour. Pouvez-vous présenter le CRJE et le site aide-info-jeu.fr ? »

Julie Caillon : Le Centre de référence sur le jeu excessif (CRJE.fr) est né d’une initiative du Pôle universitaire d’addictologie et psychiatrie du Centre hospitalier universitaire de Nantes dirigé par le Professeur Jean-Luc VENISSE. Le CRJE est la première structure sur le territoire français à développer officiellement une activité de recherche, de formation et d’information sur le jeu excessif. Il s’adresse aux joueurs et aux non joueurs, aux professionnels de la santé et du champ social, ainsi qu’aux opérateurs de jeu privés engagés dans le jeu responsable.

En parallèle, l’évolution du marché du jeu amène certains opérateurs privés à développer actuellement une politique de jeu responsable, participant ainsi à la prévention du jeu excessif. C’est dans ce contexte que La Française des Jeux et le PMU ont souhaité apporter leur soutien à la création du Centre de référence sur le jeu excessif.

Dans le cadre de ses missions de prévention et d’information auprès des joueurs, le CRJE a crée en 2010 le site Aide-info-jeu.fr. Il s’agit d’un site d’aide en ligne pour les joueurs de hasard et d’argent et leur entourage. En plus d’une partie « information » (caractéristiques du jeu pathologique, comment se faire aider ?, gestion des problèmes financiers…) et d’évaluation de la pratique de jeu, le site permet aux joueurs d’échanger gratuitement et anonymement avec un professionnel de santé via une messagerie, et permet aux joueurs d’échanger entre eux grâce à un chat et un forum.

Premier acte fondateur, le Centre de référence sur le jeu excessif est aujourd’hui l’une des composantes d’une structure plus vaste, axée sur la transversalité des addictions comportementales : l’institut fédératif des addictions comportementales. L’IFAC a pour but de développer la recherche sur ces nouvelles conduites problématiques afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les conduites addictives et d’orienter les programmes de prévention et de soins.

« Quels sont les principaux conseils que vous pouvez donner aux joueurs débutants, qui n'ont encore jamais misé d'argent sur Internet ? »

Pour tous les jeux de hasard et d’argent, y compris les jeux en ligne, nous pouvons donner aux joueurs quelques conseils :

• avant de jouer, se fixer une limite d’argent en fonction de son budget.
• prendre le temps pendant le jeu d’évaluer ses gains et ses pertes.
• ne pas oublier que le jeu est un divertissement et n’est pas une solution pour se sentir mieux.
• ne pas continuer à jouer pour récupérer l’argent perdu.
• se poser des questions s’il est difficile pour le joueur de résister à l’envie de jouer.
• rester réaliste, il est impossible de contrôler le hasard. Le risque de perdre de l’argent est plus important que celui d’en gagner.

« La loi de 2010 protège-t-elle suffisamment les joueurs français ? Que reste-t-il à améliorer ? »

La loi de 2010 a mis en place des modérateurs de jeux et oblige les opérateurs à appliquer une politique de jeu responsable sur leurs sites. Cependant, les informations communiquées sont parfois peu précises et aucune évaluation de ces modérateurs, ni de leur impact n’existe réellement. Certaines pratiques commerciales (bonus, parrainage, simulateurs de jeu accessibles aux mineurs…) menées par les opérateurs interrogent également sur leur impact auprès des joueurs les plus vulnérables.

« Justement, à propos de l'addiction, comment peut-on faire en amont pour que les joueurs ne deviennent pas dépendants aux jeux d'argent, et les inciter à se faire aider le cas échéant ? »

Dans le cadre de la prévention universelle à l’intention de la population générale, il est important de proposer une sensibilisation sur les risques liés à la pratique des jeux de hasard et d’argent et de leur donner les conseils énoncés tout à l’heure. Pour les joueurs les plus vulnérables, il est important de proposer un dispositif de repérage et de lui proposer des systèmes d’auto-exclusion. Il est également indispensable d’offrir aux joueurs une information sur les aides disponibles (numéros d’appel, sites d’aide, centres de soin…).

Les informations communiquées aux joueurs doivent inclure des notions de base concernant la notion de hasard et l’impossibilité de le contrôler, mais également donner des informations aux joueurs sur des concepts comme le taux de retour, l’indépendance des tours ou encore l’espérance de gain négative. Un travail de prévention et d’éducation à la santé auprès des populations vulnérables comme les adolescents seraient également intéressant à développer pour prévenir le jeu excessif.

« Et concernant l'accompagnement des joueurs dépendants? Comment soigne-t-on concrètement un joueur dépendant? Avez-vous quelques chiffres à ce propos ? »

L’étude menée par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) en 2010 auprès des joueurs de jeu de hasard et d’argent montre que 1.3% des Français présentent une conduite de jeu problématique. Parmi eux, 0.4% sont des joueurs pathologiques.

Pour venir en aide à ces joueurs, il existe des structures de soins spécialisées en addictologie prenant en charge tous les problèmes d’addiction : addictions à des substances psychoactives comme l’alcool, et également comportementales comme les jeux d’argent ou les jeux vidéo. Par ailleurs, certains psychiatres ou psychologues exerçant en ville peuvent également être une ressource.

Ces lieux accueillent les joueurs sur rendez-vous et permettent de faire un premier point sur la pratique de jeu et, si le joueur le souhaite, de mettre en place un suivi thérapeutique avec un professionnel qui l’aidera à modérer ou arrêter sa pratique des jeux d’argent.

En plus d’une prise en charge médicale et psychologique, ces lieux permettent en général de rencontrer une assistante sociale pour aider le joueur dans la gestion de ses difficultés financières. Certains proposent également des groupes de parole pour les joueurs et/ou leur entourage.

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