L’espérance mathématique (Expected value) pour les jeux d’argent
Le 13/09/2010 | 1 commentaire
Le principe même des jeux de hasard est de nous mettre face à des situations à choix multiples. Chaque option provoquant un résultat différent. L’espérance mathématique ou son terme anglo-saxon d’Expected value est une technique visant à évaluer au mieux quelle est la meilleure option afin de maximiser ses gains et limiter les pertes. Elle repose sur un calcul de probabilités qui donne un indicateur positif ou non sur les chances du joueur de remporter la mise ou non.
Faut-il être bon en mathématiques pour être bon aux jeux d'argent ?
Qu’est ce que l’espérance mathématique ?
L’espérance mathématique est une valeur numérique permettant d’évaluer le résultat moyen d’une expérience aléatoire, au résultat donc incertain.
Prenons un exemple simple. Monsieur Dupont défie Monsieur Martin de lancer 10 fois un dé à 6 faces. L’Expected value (EV) de M. Martin sera la moyenne de ses 10 lancés, ce sont donc de simples statistiques. S’en suit alors une série de probabilités. M. Martin a 1 chance sur 6 de tomber sur chacune des faces du dé, ce sont des « évènements ». S’il veut un 6, il a statiquement 1 chance sur 6 de réussir. Pour calculer son Expected value, M. Martin doit faire la somme des évènements, les lancés de dés, puis les multiplier par leurs probabilités, la chance que chaque face du dé tombe. Il obtient donc une moyenne.
Ici, il obtiendra le calcul suivant : événement (1) x probabilité de l’événement (1) + événement (2) x probabilité de l’événement 2 + (…) + événement (6) x probabilité de l’événement 6 = moyenne ou Expected value. Concrètement, le calcul est le suivant : moyenne = 1*1/6+2*1/6+3*1/6+4*1/6+5*1/6+6*1/6= 1/6 (1+2+3+4+5+6)= 1/6*21=3,5. Donc en moyenne, M. Martin a 3,5 chances sur 10 de faire un 6.
Cette notion de moyenne aide le joueur dans sa prise de décision, surtout dans les jeux de hasard avec un espoir de gain. Il s’agit alors de prendre des décisions à espérance positive.
Par exemple, si M. Dupont corse le jeu et propose à M. Martin un nouveau deal. A chaque fois que M. Martin tombe sur 6, M. Dupont lui donne 3 €, sinon M. Martin lui doit 1 €. Ici, l’expérience reste aléatoire mais cette fois les évènements ne sont plus la probabilité de tomber sur une face précise mais les mouvements d’argent. Les probabilités du dé sont toujours les mêmes que dans le premier cas, Martin a 1 chance sur 6 de tomber sur chacune des faces. L’Expected value, cette fois-ci, est : -1(*1/6)-1*(1/6)-1(*1/6)-1*(1/6)-1(*1/6)+3*(1/6)=1/6*(-5)+3*1/6=-1/3.
En moyenne, chaque coup fera perdre 33 cents à Martin. L’Expected value est donc négative. Il ne devrait pas jouer à ce jeu.
En revanche, si Dupont propose 10 € à Martin pour un 6 mais qu’il lui doit toujours 1 € pour les autres faces, alors l’espérance mathématique devient : -1(*1/6)-1*(1/6)-1(*1/6)-1*(1/6)-1(*1/6)+10*(1/6)=5/6. Martin gagnera en moyenne 0,84 € par coup, ce jeu lui est plus avantageux.
L’espérance mathématique appliquée au poker
Au poker, la notion d’Expected value n’intervient pas uniquement sur la prise de décision sur une main. Elle intervient également dans la gestion de l’argent du joueur. Même s’il a une espérance mathématique positive, rien ne lui assure qu’il va vraiment gagner de l’argent. Comme dans l’exemple précédent, rien n’assure dans le 3ème jeu que Martin fasse 6. Même si son EV est positive il peut se retrouver ruiné s’il ne tombe jamais sur 6.
Pour se prémunir de ce risque, certains joueurs de poker se servent d’autres formules de probabilité afin d’estimer leur risque de ruine en fonction de leur cagnotte de départ. Communément appelée la bankroll au poker (voire même aux paris sportifs) et la prise en compte du risque de ruine « le bankroll management ». Il s’agit alors de comparer l’écart « moyen » de chaque espérance à l’espérance totale.
Par exemple, Dupont et Martin jouent au poker. Ils voient tous deux le flop, le pot est de 10 €. Le flop contient un As et 2 carreaux. Dupont mise ses 5 derniers euros et dit à Martin « J’ai un As ! ». Martin a 2 carreaux en main. Si lors de la turn ou de la river tombe un carreau, Martin pourra faire couleur et battre l’As de Dupont. Martin se retrouve alors face à deux options. Soit il fold, soit il paie. L’espérance d’un fold étant nulle, il n’empochera rien qu’il gagne ou perde. Son EV fold est donc de 0.
Martin calcule alors son EV s’il paie. Il y a deux carreaux sur le flop, Martin a 2 carreaux en mains, il reste donc (13-2-2=9) carreaux dans le sabot. Neuf cartes pourraient donc améliorer son jeu, on dit alors qu’il a 9 outs. Une règle de calcul « sur le pouce » permet de convertir le nombre d'outs en probabilités au flop. Il suffit de multiplier ses outs par 4. Martin a 9 fois 4 chances de toucher sa couleur, il a environ 1 chance sur 3 de gagner cette main.
S’il paie, Martin a plus de chance de gagner car son EV dans ce cas est positive et supérieure à l’EV en cas de fold. Martin à intérêt à payer.
Un bon joueur de poker est-il avant tout un bon matheux ?
On a demandé l’avis de « Billy-thefit », joueur de poker en ligne et bon en maths. Il nous explique que « Lorsqu’on joue en Cash Game, il faut avoir une bonne visualisation de la hand range de l'adversaire. Pour cela l'expérience sert, dans la répétition des situations, et en ligne on peut pour un temps de jeu équivalent jouer énormément plus de mains qu'un joueur live. De plus, on peut plus facilement avoir accès aux mains jouées et questionner son jeu. On peut noter qu’il n'existe pas encore à ma connaissance de robot jouant à de hautes limites au poker. Ce qui sous entend que soit c'est difficile, soit ce n'est pas rentable. Il existe des laboratoires qui ont essayé de développer des robots poker en se basant sur la théorie des jeux, mais il me semble qu’ils sont encore loin d'avoir fourni des résultats probants. On notera que les sites de poker en ligne interdisent l'utilisation de robot sur leur site, donc il est peut être difficile juridiquement pour un labo de publier des résultats sur le fonctionnement de leur robot sur ces sites ».
Il poursuit en précisant que « Pour être bon au poker il faut entre autre une bonne capacité d'abstraction (pour "visualiser" les ranges) comme aux échecs par exemple. Après, concernant le parcours de l'individu, il n'a pas à mon sens à être bon en maths. Certains ont cette capacité et sont sûrement plus intuitifs que déductifs ».