«Une recherche clinique pour mieux comprendre les profils des joueurs»
Par Grégoire MONNEY, psychologue, le 09/10/2012
Tous les joueurs en ligne ne se ressemblent pas. Et c'est pourquoi il faut essayer de comprendre les besoins, les attentes et les difficultés que peuvent éprouver les internautes qui misent leur argent sur internet. Grégoire Monney travaille au sein des hôpitaux universitaires de Genève et vous propose de répondre à un questionnaire en ligne.
KUZEO.com : « Bonjour Grégoire. Pouvez-vous nous expliquer votre rôle au sein des hôpitaux universitaires de Genève ? »
Grégoire Monney : Je travaille avec le Dr. Yasser Khazaal. Il est médecin psychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Genève et chargé de cours à l'Université de Genève. Moi-même, je suis psychologue et je poursuis une formation de psychothérapeute cognitivo-comportementale. Dans ce cadre, j’ai une pratique de consultation, en séances de groupes et en séances individuelles, en plus de ma collaboration sur des projets de recherche.
« Les joueurs de jeux d'argent ont-ils tous un profil similaire en Europe ? »
C’est une question à laquelle j’aimerais pouvoir répondre simplement… Mais non, il n’y pas de profil unique du joueur. Les jeux (poker, casino, paris sportifs, etc.), les manières de jouer (calculer ses chances, avoir une stratégie, y aller au hasard, gérer son budget, etc.), les motivations à jouer et les besoins des joueurs sont variés. De plus, l'apparition des jeux en ligne contribuent à l'apparition de nouvelles tendances.
Mieux connaître les profils des joueurs est un des objectifs de l'étude que nous vous proposons. Cela pourrait aider à mieux répondre à leurs besoins en termes de jeux mais aussi en termes de prévention de consommations problématiques des jeux d'argent.
« Comment voyez-vous évoluer les joueurs français, notamment depuis la libéralisation de 2010 sur internet ? »
La libéralisation sur internet a considérablement modifié le "paysage" du jeu en France comme ailleurs. En soi, de notre point de vue, cette libéralisation n'est pas une mauvaise chose. Pouvoir jouer sans se cacher est essentiel. Pour le joueur, c'est synonyme de jeux mieux "sécurisés" et l'on peut être plus attentif à ses besoins que dans le cadre d'un jeu clandestin. Autrement dit, libéraliser, c'est mieux protéger le joueur.
Cette libéralisation stimule l'économie locale du jeu. Son développement durable implique de bien connaître les besoins des joueurs (ceux liés aux jeux eux-mêmes et aux sites internet). Cela implique aussi de connaître les facteurs qui protègent du jeu excessif.
« Pourriez-vous nous parler de l'étude que vous êtes en train de réaliser et à laquelle les joueurs peuvent eux-mêmes collaborer ? »
Cette recherche clinique a pour objectif d’explorer les facteurs psychologiques et motivationnels impliqués dans les jeux d’argent en ligne. En d'autres termes, nous espérons mieux comprendre les profils des joueurs en ligne par le biais d'un auto-questionnaire disponible à partir de cette adresse.
Nous nous intéressons aux différentes modalités du jeu d'argent sur internet, à leurs liens avec les motivations des joueurs et avec certaines de leurs caractéristiques psychologiques. Les résultats de l'étude devront préciser les types de joueurs d'argent en ligne et donc de mieux comprendre leurs besoins. Elle devrait également préciser les facteurs de protection et de vulnérabilité en regard du jeu excessif. Les conclusions pourront être utilisées ultérieurement pour le développement des sites spécialisés et pour des mesures de traitement ou de prévention du jeu excessif ainsi que pour l'aide au désendettement des joueurs. Participer à cette étude, c'est contribuer à ces développements.
« Concernant l'addiction, quels sont vos conseils pour les joueurs pathologiques ? »
Avant de répondre à cette question, je souhaiterais m’arrêter brièvement sur la définition même du jeu pathologique. Déjà, l’addiction au jeu ne saurait pas se résumer aux sommes d’argent jouées mais plutôt à la perte de contrôle que la personne a de son jeu. La question de l’addiction s’affranchit donc du revenu du joueur et de son statut socio-économique. On parle d’addiction lorsque le joueur tente en vain de diminuer sa pratique de jeu ; lorsqu’il joue malgré un déplaisir ou des conséquences négatives de son jeu sur sa situation sociale, professionnelle ou affective ; lorsque le jeu devient une préoccupation de tous les instants…
Je conseillerais à quelqu’un qui souffre ainsi de son jeu de s’adresser à des personnes ou des organismes qui s’occupent très bien de ces questions (services d’addictologie, professionnels de l’addiction, etc.). Il faut savoir que le jeu excessif s’accompagne souvent d’autres souffrances dont il difficile de s’affranchir seul, la dépression par exemple. Chercher du soutien est donc capital.
Il existe également sur internet des sites qui permettent d’évaluer sa manière de jouer ou qui proposent de nombreuses informations sur le sujet, voir des espaces de dialogue. S’informer et savoir où l’on se situe est déjà une clé importante !
« En quoi participer à l'étude va aider les joueurs ? »
Participer à l'étude va aider les joueurs car elle permettra de mieux les comprendre. Des joueurs mieux compris, ce sont des joueurs mieux servis et mieux protégés et donc de meilleures perspectives pour un développement durable, harmonieux et sans danger.
Cette étude s’inscrit dans ce courant de compréhension.
« Travaillez-vous sur d’autres projets actuellement ? »
Oui, nous avons, notamment plusieurs études relatives à l'usage d'internet. Nous étudions notamment la qualité des sites proposant de l'information médicale, les jeux vidéo massivement multi-joueurs tels que "World of Warcraft", l'usage d'internet pour la recherche de partenaires amoureux... Nous nous intéressons aussi au développement de nouvelles formes de traitements en ligne ou à l'aide d'applications pour Smartphones.